lundi 27 janvier 2014

Le Portrait oval de Yves Saint Laurent : Des Créations possèdant la Vie...


Le 1er août 1936, en Algérie, naît un enfant sublime : Yves Mathieu-Saint-Laurent. Ayant fait des rêves de gloire toute son enfance, c'est finalement à l'âge fragile
 de 18 ans que Saint Laurent monte à Paris pour travailler aux côtés de l'honorable Christian Dior. Après la mort de son mentor, en 1961, l'enfant sublime érigera sa propre maison de couture éponyme, YSL.





Artiste troublé qu'il fut, il avait besoin de ses créations pour exister autant qu'elles avaient besoin de lui. En effet, il était un personnage extrêmement précaire, qui comme un pendule, oscillait de la joie à l'angoisse, de l'excitation à la peur, de l'euphorie à la lamentation. Ceci dit, il était doté d'un génie transcendant qui se manifestait dans ses dessins. Pour échapper au bruit assourdissant, fuir le silence rongeur, anéantir son second soi, cruel et sadique, Yves Saint Laurent avait tendance à s'effacer dans l'art de son travail, cela fut son seul échappatoire, son soi jaillissait dans ses vêtements. 
Sa première collection, quoi qu'incroyable et sujet de délicatesse, ne fut pas reçue autant brillamment par le public. La presse aurait décrit son art comme du déjà vu. Mais alors ses collections futures, remplies de vie, d'énergie et d'intensité, miroitaient la folie visionnaire de l'artiste.
Planche automne/hiver 1968-69
S'étant abandonné aux voluptés interlopes et obscures, à son alter-ego diabolique, Saint Laurent sentait son âme gentiment glisser, le quitter, le laisser à mourir. Néanmoins, les scènes obscures de la nuit lui ont permis de jaillir à la lumière du jour, au midi, lorsque le soleil, à son paroxysme, le faisait briller tel le rare joyaux naturel qu'il était. 

Dans la nouvelle, le portrait ovale d'Edgar Alan Poe, au couronnement de son oeuvre d'art, l'artiste aurait tué son égérie : plus son tableau semblait prendre vie, plus son amante semblait en perdre. Le tableau aurait pompé toute la vie de la muse pour se l'absorber soi-même, pour devenir "vie" soi-même.  : "Mais à la longue, comme la besogne approchait de sa fin, personne ne fut plus admis dans la tour ; car le peintre était devenu fou par l’ardeur de son travail, et il détournait rarement ses yeux de la toile, même pour regarder la figure de sa femme. Et il ne voulait pas voir que les couleurs qu’il étalait sur la toile étaient tirées des joues de celle qui était assise près de lui. [...] Et alors la touche fut donnée, et alors le glacis fut placé ; et pendant un moment le peintre se tint en extase devant le travail qu’il avait travaillé ; mais une minute après, comme il contemplait encore, il trembla, et il devint très pâle, et il fut frappé d’effroi ; et criant d’une voix éclatante : en vérité c’est la Vie elle-même ! Il se retourna brusquement pour regarder sa bien-aimée ; elle était morte !"

Comme le tableau diabolique, les créations de Saint Laurent lui aurait dérober de sa vie, car lorsqu'il se trouva bien trop près de l'abîme, ses créations erraient aux côtés des astres. L'histoire de notre créateur français ressemble quelque peu au portrait oval : A mesure où ses créations s'intensifient, l'enfant sublime semble ne plus pouvoir tenir à sa vie, il l'a voyait le quitter pour aller posséder ses créations. Les vêtements auraient absorber toute la vie de leur créateur qui, décédé, aurait céder son âme à ses oeuvres... 



dimanche 19 janvier 2014

Influence : La Construction d'Identité...

Ecrivaine franco-canadienne, Nancy Huston a publié une oeuvre traitant le sujet d'identité, ou plutôt l'absence d'identité. En effet, elle professe que le "je, moi" est une fiction, c'est-à-dire que l'identité d'une personne est bâtie uniquement sur des histoires et fictions qui ne sont réelles que dans la conscience fabulatrice de l'humain. Il est vrai, la canadienne affirme dans L'Espèce fabulatrice que "la fiction, c'est le réel humain".
Ayant été imprégné d'histoires si implacablement ancrées en lui qu'elles sembleraient être accrochées, telles des sangsues, à son information génétique, l'homme commence à devenir une histoire en soi. Sa vie sera marquée par une temporalité, un début et une fin, c'est en cela qu'il est lui-même un roman.
Les fameuses jumelles Mary-Kate et Ashley Olsen ont publié une oeuvre, Influence. Le livre est leur roman, leur existence. 
Les histoires pénètrent dans leur cerveau, cerveau conteur qui forme et transforme toute information qu'il reçoit dans le but de bricoler une identité, un soi. Ainsi, loge dans leur être la présence des autres. Bien plus que simplement influencé, les personnages exposés dans leur oeuvre, ont bâti la vie des jumelles ; c'est eux qui ont engendré le roman que les soeurs vivent. Chacun a laissé son empreinte sur la vie de Mary-Kate et Ashley, c'est ainsi que le masque invisible qu'elles portent inconsciemment a été modelé par leurs différentes rencontres, par leur environnement, par ce qu'elles nomment influences. 
Connues pour avoir mené une vie plutôt précaire tant psychologiquement qu'au niveau du style vestimentaire, les soeurs Olsen ont finalement atteint un niveau d'ataraxie qui se perçoit dans leur allure modeste et épurée mais également dans leur esprit. En effet, le simple fait d'avoir nommé le livre Influence est preuve de lucidité et conscience de soi, conscience du fait que leur identité n'est que le résultat d'une accumulation de fictions et histoires...




Be reckless enough to gamble all or nothing to follow your dreams
-John Galliano






as for me all i know is that i know nothing
-Socrates



Je peux désormais affirmer que les Olsen détiennent plusieurs pages du roman qu'est ma vie...

lundi 13 janvier 2014

La Puissance de l'Imagination : La mode aux Pays des Merveilles...

Dans le district londonien nommé Hackney, mannequin, photographe et technologie, collaborant ensemble, nous leurrent dans leur monde ; un monde où les couleurs se rebellent, où la frontière entre rêve et réalité semble s'effacer, où toute norme est audacieusement répudiée.
Cet univers chimérique joue avec l'homme, il le désoriente, le trouble, car inhabitué à voir tant de bizarreries, tant de folie dérangée, il perd toute notion de dimension du monde qu'il connait et se trouve être plongé dans un univers parallèle dont il ne connaît pas les règles du jeu. Les couleurs, si intenses qu'elles sont, paraissent s'exalter et les regards du mannequin semblent vouloir anéantir toute raison pour pouvoir s'abandonner au monde du rêve, un monde créé par notre propre imagination, notre subconscient à son état brut. Derrière cette folie apparente, cet univers fantasmagorique, se révèle la véritable beauté de l'art, la véritable puissance de l'imagination. En effet, dans un monde qui renie toute règle, qui ignore toute limite, l'imagination devient la plus puissante des choses, elle est dans son essence même libre et infinie. 
Telle Alice qui s'aventure dans l'univers de sa conscience, nous sommes également dans notre pays des merveilles, de l'art, de l'imagination....




                   The mad Hatter :
Have I gone mad?

                          Alice :
I'm afraid so. You're entirely bonkers. But I'll tell you a secret. All the best people are.


jeudi 2 janvier 2014

l'Âme brute des Artistes : Une hyperbole perpétuelle...

Il y a l'artiste et il y a l'artiste français. Les deux sont des génies, ceci est indubitable. Mais l'artiste français est une race rare, il tue l'homme qu'il est, pour ne faire place qu'à son âme ; son esprit, délivré du corps humain pourra alors errer dans des lieux imaginaires qui ne sont visibles qu'à l'oeil de la conscience.
Créateur Jean-Paul Gaultier et écrivain Louis-Ferdinand Céline sont deux artistes, deux français, deux meurtriers qui n'ont comme possession que leur esprit.
Ils laissent leur âme parler et lorsque l'âme parle, elle crie, elle s'exalte, elle est brute et honnête, puérile et non éduquée ; d'où émane la troublante et bouleversante sincérité de Céline et l'extravagance à son état brut de Gaultier. 
A l'instar du français qui exacerbe tout, autant le langage que le style, l'exaltation euphorique que la lamentation désespérée, c'est l'âme de l'humain qui jaillit et non le soit-disant homme, homme civilisé, homme imprégné de valeurs illusoires, homme robotisé qui fuit la peur au lieu de s'enivrer d'elle. L'âme française ignore toute limite, elle s'enfièvre de toutes ses émotions : son existence est une hyperbole perpétuelle. " loin du français, je meurs..." eut professé le littérateur Céline, il a bien raison, loin du français, l'âme plonge dans un ennui fataliste, dans une mélancolie presque anesthésiante. Le langage français, oral ou écrit, dans son allure ou dans son être, impose une exaltation, une brutalité sincère. Il se veut aventurier et audacieux, il refuse la modération, désire posséder l'infini et exalte toute chose jusqu'à son paroxysme. 
Cette fureur est exposée chez nos deux artistes, leur âme pure et brute transparaît derrière leur création. L'un restitue le langage parlé, le langage de l'âme dans la langue écrite, l'autre crée une apparence, une allure qui n'est que le cracha et l'ombre de son âme...
Jean-Paul Gaultier
A/W 2006



Louis-Ferdinand Céline



















"Voyager, c'est bien utile, ça fait travailler l'imagination. Tout le reste n'est que déceptions et fatigues. Notre voyage à nous est entièrement imaginaire. Voilà sa force.
Il va de la vie à la mort. Hommes, bêtes, villes et choses, tout est imaginé. C'est un roman, rien qu'une histoire fictive.
Littré le dit, qui ne se trompe jamais.
Et puis d'abord tout le monde peut en faire autant. Il suffit de fermer les yeux.
C'est de l'autre côté de la vie."
- Voyage au bout de la nuit, Céline
S/S 2013